« [...] Ce rapporteur n’avait pas vu sans doute que lorsqu’une colonie est divisée en deux classes d’hommes dont l’une est opprimée par l’autre et sent vivement son oppression, il est impossible de prolonger longtemps cet état de convulsion. Il n’avait pas vu que violer les principes de la métropole pour forcer en son nom la classe opprimée à rester sous le joug, était une mesure qui ne pouvait avoir d’autre durée que celle de l’erreur et de l’ignorance sur le véritable état des choses ; il n’avait pas vu que sous un régime libre, le préjugé qui tient une classe d’hommes asservie, établit aussi un contraste dangereux dans le corps politique, ne peut exister longtemps sans être attaqué par la foule des patriotes éclairés, occupés sans cesse à épier, à découvrir, à démasquer tous les abus ; il n’avait pas vu que les hommes s’opiniâtreraient à combattre en raison des obstacles qu’on leur opposait ; que du combat sortirait une vive lumière, que cette lumière éclairerait les législateurs qui ne peuvent vouloir l’oppression de leurs frères, lorsqu’elle leur est démontrée ; et ne pouvant vouloir cette oppression, qu’ils viendraient à renverser le préjugé qui écrase les mulâtres, et à détruire cet échafaudage ridicule dont on avait essayé de l’étayer ; il n’avait pas vu cette série de principes et de conséquences si facile à saisir et à calculer ou il vous aurait conseillé de faire ce que dès lors vos principes et la justice commandaient, ce que votre intérêt vous ordonne aujourd’hui, sous peine de perdre peut-être vos colonies ; il vous aurait dit citoyens de couleur, libres, propriétaires, contribuables comme les blancs, doivent être comme eux citoyens actifs. [...]
J’ajoute que certainement des considérations politiques ne devraient même jamais prévaloir sur cette raison éternelle qui appartient à tous, que jamais les lois de la nature ne doivent être violées pour des raisons d’utilité, parce que quelques individus sont intéressés à leur admission.
Quelle étrange contradiction ne serait-ce pas qu’après avoir décrété la liberté en France, vous fussiez par vos décrets les oppresseurs de l’Amérique. Je demande la question préalable sur le projet de décret que vous présente votre comité et voici celui que je propose d’y substituer.
L’Assemblée nationale décrète que les hommes de couleur et nègres libres, propriétaires et contribuables, sont compris dans l’article 4 du décret du 28 mars. Enjoint aux commissaires chargés de rétablir l’ordre dans les îles, d’employer tous les moyens en leur pouvoir pour y faire jouir les hommes de couleur de tous les droits de citoyens actifs. [...]
Grégoire, discours lors de la séance du 11 mai 1791, Archives parlementaires, tome 25, Librairie Administrative P. Dupont, 1886
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